Koningsdal
Volledige referentie:
Koningsdal, in: Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, 29 (2004), 555-559
[De Grauwe 2004f]
Trefwoorden:
Gent O.Cart. (historiographia)Tekstmededelingen:
KONINGSDAL, Domus Vallis Regalis iuxta Gandavum, chartreuse du Val-Royal lez Gand, Cartusia Gandensis, domus S. Brunonis in Eremo, chartreuse up’t Meerhem, chartreuse dans les Pays-Bas.
Cette chartreuse faisait partie, à l’origine, de la Provincia Burgundiae ; dès 1332, provincia Picardiae ; pendant le grand Schisme, provincia Rheni ; de 1410 à 1474, provincia Picardiae remotioris ; depuis lors jusqu’à la fin, provincia Teutoniae.
La paix d’Arques est probablement à la base de la fondation de la maison de Gand. Robert de Béthune (1247-1322), comte de Flandre, s’est réconcilié avec les derniers Capétiens le 5 mai 1320 après une âpre lutte contre la France pour l’indépendance de la Flandre. Son fils aîné, Louis († 1322), épouse Marie de Nevers et Réthel. De ce ménage est né en 1304 un fils appelé Louis comme son père. Il devient comte de Flandre, Nevers et Réthel. Son éducation se fait en France. En 1320, il se marie avec Marguerite d’Artois, fille de Philippe V, roi de France. C’est ce Louis qui succédera à son grand-père en 1322. Lors de la lutte des grandes villes flamandes contre l’oncle de Louis, Robert de Cassel, qui revendique le comté de Flandre, Louis de Nevers prend le parti des villes. L’entente entre les villes, officiellement reconnue par la fédération de 1321, ne dure pas longtemps. En 1324, Bruges entre déjà en conflit avec Gand et choisit le parti de Robert de Cassel contre Louis de Nevers. Gand reste fidèle à ce dernier. Le 19 avr. 1326, la paix d’Arques met fin à cette bataille. Toutes les stipulations de cette paix ne sont pourtant pas observées, p. ex. celle qui oblige les Flamands à ériger une chartreuse à Courtrai. Gand est dans une position beaucoup plus avantageuse que les autres villes flamandes, étant toujours du côté du comte Louis de Nevers. Il est donc bien possible que Gand ait demandé d’ériger la chartreuse exigée par la paix d’Arques sur les terrains conquis par le comte de Flandre, se montrant ainsi l’ami du roi de France, toujours favorable à l’Ordre des chartreux.
Quoi qu’il en soit, trois moines de Bruges s’installent en 1328 sur ces terrains donnés par le chanoine brugeois, mais d’origine gantoise, Simon Willebaert. Ils y commencent immédiatement la construction du nouveau monastère, aidés par de nombreux bienfaiteurs, parmi lesquels il faut citer la famille Vaernewyck. Après quelque cinquante ans, les moines entament la construction de la nouvelle église, dont la consécration a lieu en 1393.
Le troisième prieur, Guillaume van Vaernewijck, est membre de cette famille noble, grande bienfaitrice de la maison.
Le gouvernement de l’Ordre dut intervenir dans la vie interne de la nouvelle maison : le chapitre général de 1336 fit procéder à une nouvelle élection du prieur, l’élection précédente étant invalide à cause de l’absence de quelques moines, chose absolument inadmissible. Mais bientôt la vie normale reprit. Les prieurs s’efforcèrent d’acquérir des biens dans les environs immédiats du monastère afin de sauvegarder la solitude.
En 1362 Winand Steinbeck, originaire de Dortmund et fils d’un grand commerçant, entra à la chartreuse de Gand. Trois bienfaiteurs du monastère furent originaires de cette même ville. Cela semble prouver et les liens existants entre cette ville hanséatique et Gand, et l’attrait de notre chartreuse.
Le deuxième tiers du xive s. fut marqué par une période de disette et de maladies à Gand, et par le Grand Schisme d’Occident. La maison de Gand adhérait au pape résidant à Rome et s’opposait ainsi à la politique du comte de Flandre et à la Grande Chartreuse. En plus, une guerre éclata entre Gand et le comte de Flandre, Louis de Male, en 1379. Le 11 nov. 1380, la paix entre Gand et Grammont d’un côté, et le comte de l’autre fut signée dans la chartreuse du Val-Royal. À la fin du siècle, vers le moment de la consécration de l’église définitive, il régna une grande pauvreté au couvent, où ne résidaient que sept ou huit moines. Dès 1396, un changement complet se fit jour, surtout grâce à la forte personnalité du prieur Antoine Bussaert.
En 1420, Jacques Ruebs devint prieur et fit énormément pour sa maison de profession, dont il fut prieur pendant 40 ans. Il était originaire d’une grande famille bourgeoise, bienfaitrice des chartreux. Non seulement à l’intérieur de l’Ordre, mais aussi à l’extérieur, son influence se fit sentir : à quatre reprises entre 1449 et 1453, il fut le porte-parole des Gantois auprès du duc de Bourgogne Philippe le Bon.
Dès 1449, Gand se révoltait contre la politique de centralisation du duc et surtout contre la gabelle. Lors de ces luttes, le monastère fut fortement endommagé, et la misère fut tellement grande que la communauté obtint la permission du chapitre général de se diviser en deux. Grâce à l’administration remarquable du prieur, cette scission ne se fit pas. Son successeur, Jean Versaren, né de parents gantois, bienfaiteurs de la chartreuse, avait obtenu en 1439 le grande de licentiatus artium à l’Université de Louvain. Il y était devenu professeur et doyen, mais abandonna la carrière universitaire pour se faire chartreux dans sa ville natale. Comme prieur, il se rendit, après le chapitre général de 1469, au couvent dominicain S.-Victor à Marseille et à la grotte où Marie-Madeleine aurait vécu. Ce voyage est décrit dans son Itinerarius.
Guillaume van Halewijn lui succéda en 1471. Ce noble avait obtenu aussi un grande universitaire avant son entrée en chartreuse. Le chapitre général de 1474 l’admonesta vigoureusement : « Qu’il veille à une meilleure observance ». La raison n’en est pourtant pas connue.
Un autre professeur de l’Université de Louvain, Simon Van der Schueren, dirigea le Val-Royal à la fin du siècle (1480-97). En 1485, il dut intervenir en faveur des prieurs d’Hérinnes, Zelem et Scheut, incarcérés par le magistrat gantois. Deux ans après, il fut appelé au secours de la chartreuse de Liège : les liégeois ayant remarqué l’importance stratégique du monastère dans la lutte contre Everard de la Marck, en avaient décidé la destruction complète. Mais l’intervention de Van der Schueren fit que les liégeois abandonnèrent leur projet.
En 1541, la maison était habitée par dix-huit moines et huit frères : une grande communauté.
Le chapitre général de 1546 envoya une sérieuse admonestation au prieur, Josse de Neckere : « S’il n’y a pas d’amélioration, le prieur sera démis de ses fonctions », et en effet en 1547 on nomma un autre prieur. En 1558 une nouvelle réprimande arriva à Gand, mais, cette fois-ci, destinée à un moine.
Le nouveau prieur (1561-66), Jean van Ieper, avait d’abord été sacristain, procureur et prieur à Bruges. Après son priorat de Gand, il l’exerça de nouveau à Bruges de 1571 à 1580, l’année où il apostasia et alla cohabiter avec une ex-religieuse. Pendant son priorat à Gand, le chapitre général dut intervenir à plusieurs reprises. Il est donc sûr que Gand passa par une période de relâchement de la discipline. L’atmosphère sécularisante qui régnait dans le monde occidental y joua certainement un rôle important. C’est aussi pendant cette période que se situent les difficultés causées par la Réforme.
Le 23 août 1566, les calvinistes attaquèrent le Val-Royal, où ils détruisirent des autels, des vitraux et des statues. Après une période de calme relatif à l’extérieur, les calvinistes, devenus maîtres à Gand, décidèrent la démolition de la chartreuse, celle-ci se trouvant trop proche des nouvelles fortifications. Le 11 févr. 1578, l’ordre fut donné de raser le monastère. Les moines durent en grande hâte chercher un refuge en ville. Six ans plus tard, ils pouvaient revenir à Gand après un séjour dans plusieurs chartreuses, surtout françaises. Le prieur Jean Baert (1567-97 et 1601-04) était entré en relations avec des catholiques gantois en vue de trouver un lieu convenable pour y recommencer la vie cartusienne. Le seul tertiaire de S.-François du couvent « up ’t Meerhem » consentit à lui vendre son couvent et, dès que l’occasion se présenta, le prieur, accompagné de cinq religieux, y reprit la vie érémitique. Ce fut le 21 oct. 1584.
Les deux siècles qui suivirent ne furent pas marqués de grands événements. Tous les prieurs cherchèrent à faire de ce couvent une véritable chartreuse et à l’embellir.
Arnold Havens, né à Bois-le-Duc en 1540, fit ses études chez les jésuites à Cologne. En 1558, il entra chez ces religieux. Il devint docteur en théologie en 1573. Après avoir été recteur du collège de Cologne (1574-1584), il prit la décision de se faire chartreux. Il entra à Louvain en 1586. Il eut à remplir plusieurs priorats : Bois-le-Duc, Louvain, Bruxelles et Gand (1604-10). Son administration tant spirituelle que matérielle fut excellente.
Vers 1653, il y avait certainement huit moines-profès au monastère. Le 30 janv. 1659, un accord fut signé entre les chartreux et le maître maçon gantois Tobias d’Oosterlinck en vue de la construction de l’église. Les travaux se terminèrent fin 1660. En octobre 1692, l’artillerie anglaise établit un magasin dans la chartreuse, ce qui causa maints ennuis aux solitaires. Ce n’est qu’en décembre 1695 que les Anglais quittèrent le monastère, habité en ces temps par dix moines.
Tout le long du xviiie s., il y a plusieurs preuves de la pauvreté de la maison, e.a. la vente de plusieurs biens immeubles pour rembourser des dettes. Et pourtant il y eut encore assez de vocations.
Martin Melaerts fut le dernier prieur (1773-83). Dès 1782 commencèrent les difficultés causées par les décrets de l’empereur d’Autriche Joseph II. Elles menèrent à la suppression du Val-Royal en mai 1783. Onze moines peuplaient alors la chartreuse. La moyenne d’âge était de 38 ans et 9 mois, ce qui est plutôt jeune et signe de la vitalité de ce monastère. Tout au long de son histoire, il y eut 297 religieux, profès ou donnés de Gand, et 97 hôtes, donc profès d’une autre maison.
Après la suppression commença la vente des biens de l’ancienne chartreuse. Pourtant dès juin 1790 il fut question de reprendre la vie communautaire au monastère de Meerhem. Ce fut très probablement en octobre que quelques moines décidèrent de réintégrer leur couvent. Cette restauration ne dura guère plus qu’un an et demi : le livre des recettes et dépenses s’arrête d’une façon très brusque le 10 févr. 1792. En juin, le dernier habitant quitta définitivement la chartreuse, devenue hôpital militaire.
Par après, Liévin Bauwens y installa ses premiers ateliers en modifiant entièrement les bâtiments.
En 1814 Anglais et Américains signèrent dans l’ancien monastère la Paix de Gand reconnaissant l’indépendance des États-Unis.
Après les frères de S.-Jean-de-Dieu, qui s’occupaient de malades mentaux, les frères hiéronymites les remplacèrent et y habitent toujours.
Sources
Fundatio domus Gandensis, ms. Bruxelles, Bibl. Roy., 4051-68, fol. 124-135v. ; c’est très probablement une copie de la chronique perdue faite par le moine gantois Pierre van Heysene van Axel.
Le fonds du Comité de la Caisse de Religion aux Archives Générales du Royaume contient plusieurs pièces relatives à la fin de la chartreuse de Gand (nos 44, 68, 69, 139, 390 et 391).
D’autres fonds des mêmes Archives contiennent des documents se rapportant à la chartreuse de Gand : Conseil du Gouvernement Général, nos 1472 et 1473 ; Conseil des Finances, nos 8170 et 8365 ; Chambre des Comptes, n° 6474 ; Trésor de Flandre, Ire sér. nos 1863, 1865, 1872 et 2749.
Aux Archives de la Ville de Gand, il y a, à côté de quelques pièces dans différents fonds, surtout la liasse Chartreux.
Aux Archives de l’État à Gand, il y a le fonds des Chartreux et de très nombreux documents, en grande partie pas encore classés : des censiers, registres de rentes, cartulaires, livres de comptes, terriers, etc.
Travaux
Ch.-L. Diericx, Mémoires sur la ville de Gand, Gand, 1815, p. 483-89.
L.J. de Saint-Genois, Épitaphes anciennes au couvent des chartreux, dans Messager des sciences historiques de Belgique, 1839, p. 152.
C. Serrure, Oorkonden betreffende het kartuizerklooster bij Gent, 1308-1483, dans Vaderlandsch Museum (Gand), IV, 1861, p. 325-62.
F. Vandenbemden, Notes sur la chartreuse de Roygem, dans Bulletin der Maatschappij van Geschied-en Oudheidkunde te Gent, IX, 1901, p. 163-69.
G. Celis, Het kartuizerklooster te Gent, 1320-1783, ibid., XXXI, 1923, p. 25-56.
J. De Grauwe, De stichting van de Gentse Kartuis « Koningsdal » te Rooiegem in de parochie Ekkergem, dans Handelingen der Maatschappij voor Geschiedenis en Oudheidkunde te Gent, nouv. sér., XXV, 1971, p. 3-29 ; De Kartuizers in België, dans Spiegel Historiael, VIII, 1973, p. 17-24 ; Histoire de la chartreuse du Val Royal à Gand et de la chartreuse du Bois-Saint-Martin à Lierde-S.-Martin (Analecta cartusiana, 18), Salzbourg, 1974, p. 3-76 ; Historia Cartusiana Belgica (même coll., 51), Salzbourg, 1985, p. 126-46 ; De kartuis Koningsdal en Drongen, dans Dronghine, jaarboek 1986, Tronchiennes, 1986, p. 2-26 ; Chartreuse de Notre-Dame du Val-Royal à Gand, dans Mon. belge,VII: Province de Flandre Orientale, vol. 5, Liège, 1989, p. 943-1006.
J. Decavele, Kartuis Koningsdal, dans Duizend jaar Ekkergem, Gand, 1974, p. 51-53.
R. De Herdt, Te gast bij de broeders, kartuizers en fabrikanten. Het Museur Meerhem, dans Toerisme in Oost-Vlaanderen, XXVI, 1977, p. 29-34.
B. Goffin, Les six premières chartreuses de Belgique au XIVe s. (Analecta cartusiana, 51/2), Salzbourg, 1991, p. 81-94.
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