Hérinnes, Chartreuse de

Auteurs:

Hogg, James

Volledige referentie:

James Hogg
Hérinnes, Chartreuse de, in: Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, 23 (1990), 1461-1464  
[Hogg 1990b]

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Herne O.Cart. (historiographia)

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HÉRINNES, localité située à 5 km d’Enghien (Hainaut) dans l’ancien diocèse de Cambrai, où était située une chartreuse, mentionnée dans les textes sous les noms de Cartusia Angiana, Cartusia Capellae, Cartusia Capellae Beatae Mariae, Cartusia Beatae Mariae de Capella, Chartreuse d’Enghien, Chartreuse d’Anguien, Chartreuse de la Capelle, Chartreuse de la Chapelle Notre-Dame, Chartreuse de la Chapelle Sainte Marie, Chartreuse de Hérinnes, Onze Lieve Vrouw Kapelle, Klooster te Herne.

Elle doit son origine à Gauthier II seigneur d’Enghien, qui projeta en 1307 de fonder un monastère mais mourut deux ans plus tard sans avoir spécifié l’ordre religieux qui bénéficierait de ses largesses. Elle fut fondée près d’une chapelle de pèlerinage remontant au xiie s., Notre-Dame de Dierickshoven, qui avait été placée en 1148 sous la juridiction de l’abbaye de Cambrai. Gauthier II parvint à un accord sur les revenus de la chapelle, mais il laissa à ses exécuteurs testamentaires de préciser que les bénéficiaires de sa générosité seraient les chartreux. Le projet fut approuvé en décembre 1313 par l’archevêque de Cambrai et les premiers chartreux arrivèrent probablement en 1314, venant des chartreuses de Valenciennes, Noyon et S.-Omer ; le premier prieur était originaire de la chartreuse du Val-S.-Pierre.

Au début, la maison était affiliée à la Provincia Burgundiae, mais elle fut transférée à la Provincia Picardiae lors de la fondation de celle-ci en 1332. Durant le Grand Schisme, les chartreux d’Hérinnes commencèrent par adhérer au parti Urbaniste, mais après 1390 environ, la majorité de la communauté, sous l’influence du duc de Bourgogne, se rallia au pape d’Avignon. En 1411, Hérinnes fut transférée à la Provincia Picardiae Remotioris, qui fut rebaptisée en 1474 Provincia Teutoniae.

Des donations importantes au cours du xive s. permirent d’achever les constructions et d’acquérir les terrains permettant d’établir autour de la chartreuse un « désert » qui garantissait aux moines la solitude. Jan van Ruusbroec passa quelque temps vers 1360 à la chartreuse d’Hérinnes. Celle-ci semble avoir été en pleine prospérité à cette époque, car elle fut en mesure de fournir des moines pour plusieurs fondations successives dans les Pays-Bas. En 1371, le chapitre général des chartreux autorisa les moines souffrant de la lèpre à résider dans des bâtiments séparés. En 1377, une association de prières fut conclue avec les chartreux de Bois-S.-Martin ; des arrangements similaires furent conclus en 1378 avec la chartreuse de Gand et 1398 avec celle d’Anvers.

En 1384, la chartreuse d’Hérinnes fut ravagée par des bandes de maraudeurs et les moines furent obligés de s’enfuir à Bruxelles puis, de là, à Mons. De nouvelles donations permirent à Jean d’Arras, profès de Lugny, prieur d’Hérinnes de 1411 à 1430, de reconstruire l’ensemble ; l’église put être consacrée en 1418. Des matériaux plus durables furent utilisés à cette occasion pour les cellules. En dépit des guerres qui continuèrent à ravager la contrée, Jean de Montignies, profès de Zelem et prieur d’Hérinnes de 1430 à 1435, réussit non seulement à poursuivre les travaux de construction mais aussi à construire en 1433 une nouvelle chapelle de pèlerinage de manière à éviter que les pèlerins n’encombrent l’église réservée aux moines. Au cours de la famine de 1438, la chartreuse put apporter aux habitants de la localité une aide substantielle. De 1437 à 1445, Laurent van Musschezele, profès de Hérinnes, un écrivain spirituel de second plan, construisit plusieurs nouvelles cellules et installa de nouveaux autels au cours de son priorat. Il eut parmi ses pénitents la duchesse Marguerite d’York. En 1456, Arnold Beeltrisens († 1490) entra à la chartreuse, dont il allait devenir le premier chroniqueur.

La période qui va du début du xvie s. à la suppression de la chartreuse en 1783 fut dans l’ensemble un temps de décadence, par suite d’abord des avatars consécutifs aux guerres de religion puis à la diminution des revenus et à l’augmentation des taxes. Les cartae des chapitres généraux nous apprennent que la communauté souffrit au xvie s. de tensions internes et Jean Ammonius, l’auteur de la seconde chronique, fut même emprisonné pendant quelque temps parce qu’il était soupçonné de sympathies pour le luthéranisme. Par ailleurs, l’humanisme semble avoir miné l’observance de la règle. Le 27 août 1566, le monastère fut mis à sac par des protestants et l’église et la bibliothèque furent incendiées. De nouveaux autels durent être consacrés en 1569. En 1578, les chartreux d’Hérinnes purent offrir un refuge à cinq confrères chassés de la chartreuse de Scheut près de Bruxelles, mais à Pâques des coups de main de bandes protestantes obligèrent la double communauté à s’enfuir d’Hérinnes. Lorsque la chartreuse fut réoccupée, les offices durent être célébrés dans une chapelle car l’église avait été profanée. En juillet 1580, une grande partie des bâtiments fut détruite et les moines se replièrent dans une maison qu’ils possédaient à Enghien puis, de là, à Mons. En 1582, le chapitre général ordonna la reconstruction du monastère mais les rentes n’étaient plus payées que de manière irrégulière et parfois pas du tout, de sorte que les travaux ne purent commencer qu’en 1590. Les moines purent se réinstaller en 1593 mais l’église ne fut pas achevée avant 1596.

L’observance de la règle dans la province devait laisser fort à désirer car en 1609 les prieurs du Mont-Dieu et de Noyon furent chargés d’une visite canonique exceptionnelle.

Quelques nouvelles donations permirent des travaux de restauration et d’embellissement au cours du xviie s. mais les dangers constants provenant des guerres amenèrent à mettre en sécurité à Bruxelles les objets de valeurs. Au début du xviiie s., une nouvelle hôtellerie fut construite et l’église ainsi que le réfectoire furent de nouveau restaurés, mais au milieu du siècle le chapitre général était très préoccupé de l’état de la discipline. Bruno Pede, le troisième chroniqueur de la maison, prieur de 1752 à 1765, s’efforça de remettre de l’ordre dans les finances du monastère, mais peu après l’empereur Joseph II résolut brutalement les problèmes en supprimant les ordres contemplatifs dans les Pays-Bas sous prétexte qu’ils étaient inutiles à la nation. Un inventaire des biens du monastère fut dressé en 1782. Parmi les 67 tableaux mentionnés, il y en avait douze représentant des scènes de la vie de S. Bruno, qui ornaient le réfectoire ; un autre représentait S. Bruno et le comte Roger ; mais il ne semble pas qu’aucune de ces toiles aient eu une grande valeur artistique. Le 23 mars 1783, la suppression fut décrétée. Les moines quittèrent la chartreuse le 17 juin suivant et les bâtiments, à l’exception de l’église et des locaux adjacents, furent vendus en 1785. En 1794, trois moines d’Hérinnes envoyèrent une pétition en vue d’être autorisés à réoccuper la chartreuse, mais l’arrivée des armées françaises rendit vaine cette tentative.

La plupart des bâtiments ont aujourd’hui disparu mais le site donne encore une bonne idée de la disposition des lieux et quelques constructions, telles que l’hôtellerie monastique et le porche d’entrée, subsistent.

La plupart des manuscrits que contenait la bibliothèque ont disparu par suite des destructions dont le monastère souffrit au cours des siècles et l’inventaire de 1782 ne signale que 800 livres, dont quelques auteurs représentant le courant de la Devotio moderna. Quatre manuscrits d’Hérinnes sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque Mazarine de Paris. A la Bibliothèque Royale de Bruxelles, le ms. II, 1959 contient les cartae des chapitres généraux de 1416 à 1426 et de 1428 à 1442 et le ms. 18202, un cartulaire compilé à partir de 1423, dans lequel on trouve les copies d’actes datant de 1212 à 1436.

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